[. . . ] Les technologies du XXe siècle : l'histoire d'une modernité II. Les autres formes d'approche de la musique classique III La filière des professionnels 1. Les producteurs et les diffuseurs de la musique vivante IV Les industries musicales 1. Quelques généralités sur les industries culturelles 2. [. . . ] Deux conceptions s'opposent alors : celle de fonder une politique musicale sur quelques institutions nationales parisiennes (le prestige de la France en matière culturelle ) portée par Emile Biasini, directeur du théâtre, ou sur une restructuration en profondeur qui s'appuierait sur des institutions locales rénovées, portée par Marcel Landowski. 101 La problématique du choix sera finalement résolue par la décision politique d'André Malraux qui crée un service de la musique que dirigera Marcel Landowski en 1966.
Le plan décennal Landowski : A partir de 1966, la Direction de la musique va entreprendre un plan d'actions visant à institutionnaliser et à rendre irréversible le partenariat public dans le système musical français. De 1966 à 1974, le budget attribué à la musique va passer de 51 millions à 162 millions de francs. Le schéma du plan décennal est divisé en trois missions : La formation : les objectifs sont la création de six établissements supérieurs, vingt-sept conservatoires régionaux, trente-six écoles nationales, soixante-douze écoles agréées La diffusion : les objectifs sont la création d'orchestres régionaux de plusieurs types : sept de formation A (cent vingt musiciens) dans les métropoles ; deux tous les ans de formation B (quarante-cinq musiciens) dans des villes entre 120 000 et 250 000 habitants, trois chaque année de formation C (vingt musiciens) composée à la base de professeurs des écoles nationales la création de sept opéras de type A en corrélation avec les orchestres régionaux avec troupes permanentes, choeurs, ballet et chant et de deux opéras sans troupe permanente qui recevront des métropoles des ouvrages à grands effectifs le développement de la vie chorale : six créations chaque année de chorales agréées.
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Extrait du décret du 24 juillet 1959 sur la mission et l'organisation du Ministère , L'invention de la politique culturelle , op. cit. p33 101 Mario d'Angelo , Socio-économie de la musique en France, op. cit. p109
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L'animation et le contrôle : une organisation s'installe avec la présence d'un inspecteur régional dans les DRAC, un délégué musical et un animateur musical départemental. Ce sont les premiers fondements de l'existence des agences départementales de développement de la musique et de la danse (la Direction de la Musique est devenue en 1969 Direction de la Musique et de la danse). Le « plan de dix ans pour l'organisation des structures musicales françaises » constitue une tentative cohérente pour instituer des régions musicales complètes. Chacune des 21
régions comprendra d'après le plan, son conservatoire, son orchestre, son théâtre lyrique et son animateur. La structuration de la diffusion a été considérée comme une réussite car elle a permis l'installation de formations orchestrales pouvant atteindre rapidement un niveau artistique comparable aux orchestres reconnus de l'étranger. En revanche, l'action en matière d'enseignement fut plus beaucoup plus contestée. . . 102 A l'arrivée du nouveau ministre en 1971, Jacques Duhamel, le plan Landowski monta en puissance. Aucune décision n'était prise sans l'avis du Directeur qui avait mis en place un système d'expertise. Nos fonctions au niveau central ont donc changé : moins directement opérationnelles, elles sont plus orientées vers la définition de politiques nationales : réorganiser le corps de l'inspection par pôles, resserrer le dialogue avec les Drac, renforcer et structurer les enseignements (enseignement spécialisé et l'éducation nationale), développer une
politique lyrique et symphonique ambitieuse appuyée sur le partenariat avec les collectivités locales105. Dans son discours « perspectives en faveur de la musique » prononcé en janvier 2001, Catherine Tasca réaffirme ses orientations politiques . . . cela
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La charte des missions de service public pour le spectacle, Octobre 1998 Propos de Sylvie Hubac, directrice de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles La lettre du musicien novembre 2000
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requiert une politique pour les plus larges publics et pour la diversité des répertoires et des voies d'accès aux musiques. . Le système musical classique doit travailler aujourd'hui sur les objectifs décidés par la politique culturelle : les pratiques amateurs, la formation multiforme (le plan de cinq ans avec l'Education nationale, les cursus de formation universitaire des musiciens, des interprètes et des compositeurs, la recherche), l'aide à la création.
Les politiques musicales et l'industrie du disque La première intervention publique introduisant dans la problématique de la politique culturelle des pouvoirs publics l'idée du marché de l'industrie culturelle revient à Augustin Girard, chef du service des études et de la recherche en 1978. que les progrès de la démocratisation et de la décentralisation est en train de se réaliser avec beaucoup plus d'ampleur par les produits industriels accessibles sur le marché qu'avec les « produits » subventionnés par la puissance publique »106 Cette analyse est quelque peu mise en sommeil jusqu'au discours de Mexico de Jack en 1982qui reconnaît la prise en compte de la culture comme secteur économique : « économie et culture, même combat »107 . A partir de cette date, une étude est lancée pour tenter de cerner l'ensemble des interventions publiques dans cinq industries culturelles : le livre, le cinéma, l'industrie des phonogrammes, la presse écrite, l'industrie des vidéogrammes. Tandis que les industries du livre et du cinéma font l'objet d'un souci particulier des pouvoirs publics dans la plupart des pays européens, l'industrie phonographique reste largement ignorée. Les aides directes au disque sont peu nombreuses et se limitent aux industries techniques ainsi qu'à quelques subventions destinées à des sous-secteurs restreints de l'édition. . . . En dehors de ces rares interventions, le soutien public se tourne essentiellement vers les autres éléments du système musical : c'est à dire le spectacle vivant et la formation musicale, ce qui peut bien entendu bénéficier indirectement à l'industrie du disque108.
Les collectivités territoriales et la musique classique Comme l'avait voulu le plan Landowski, les collectivités territoriales assurent une partie des financements, notamment les communes pour l'enseignement. La musique est le
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Jean Caune, La culture en action, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1999, p322 Philippe Urfalino, L'invention de la politique culturelle, op. cit. p 317 108 Joëlle Farchy, La fin de l'exception culturelle, op. cit. p 194
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domaine qui a enregistré la plus forte progression des subventions publiques locales entre 1981 et 1993 (+232% en francs courants). [. . . ] Aujourd'hui, nous pouvons le qualifier de spectateur, d'amateur, de pratiquant et de consommateur, cible du marché privé. Loin semble le « temps » ou Jean Vilar affirmait que « le théâtre prend sa signification que lorsqu'il parvient à assembler et à unir ». Cet impératif relève d'une volonté et d'un projet social : l'organisation d'un public au-delà des classes privilégiées est de faire de la salle de spectacle un espace de rassemblement. 152
La Folle Journée respecte le principe du rassemblement, de la grande fête musicale, de la communion collective. Elle remet en question le fondement d'une politique culturelle dessinée sur la vision de l'offre, de l'accès pour tous à la culture pour laquelle le modèle institutionnel rejoint le modèle marchand.
Si l'on se réfère au phénomène du cross-over, la musique classique devient un « produit » commercial, séparé de son ensemble historique, de sa production. [. . . ]